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Comment perçoit-on la conjugalité quand son conjoint tombe malade?

Plusieurs centaines de chercheurs de l’Université de Montréal participent au 84e congrès de l’Acfas qui se tient jusqu’au 13 mai à l’Université du Québec à Montréal, et qui est une célébration de la recherche en français. Forum rend compte des travaux de certains de ces chercheurs, pour qui le congrès est souvent la première expérience de communication publique.

Comment perçoit-on sa vie de couple lorsque la maladie frappe son conjoint? Cesse-t-on d’être un amoureux? Quelle est la frontière qui sépare le conjoint du proche aidant?

C’est ce qu’explore Chloé Dauphinais dans une recherche de la professeure associée Isabelle Van Pevenage, à laquelle elle collabore et dont elle a présenté des analyses préliminaires à l’occasion du 84e Congrès de l’Acfas, qui se déroule à Montréal.

L’étudiante du Département de sociologie de l’Université de Montréal cherche à comprendre comment les personnes de plus de 65 ans et en couple depuis longtemps se définissent et conçoivent l’aide qu’elles apportent à leur conjoint quand celui-ci éprouve un problème de santé ou souffre d’une incapacité.

«Tandis que les profils conjugaux des gens âgés se diversifient depuis plusieurs années ‒ avec les séparations, les divorces et les unions libres ‒, je cherche à savoir comment se vit l’engagement du conjoint qui devient proche aidant, sachant les transformations que cela peut impliquer dans le quotidien amoureux», indique Mme Dauphinais.

Pour ce faire, l’équipe de recherche s’est fixé comme objectif d’interviewer 30 personnes vivant avec un conjoint dont l’état de santé requiert des soins au quotidien. À ce jour, 11 personnes ont été rencontrées ‒ huit femmes et trois hommes ‒, toutes engagées dans une relation hétérosexuelle, mariées ou en union de fait.

«On n’abandonne pas quelqu’un qui est à terre»

Que leur partenaire de vie soit atteint de la maladie d’Alzheimer ou de démence, de la maladie de Parkinson, d’un cancer ou d’une maladie chronique, les conjoints aidants trouvent la source de leur engagement dans la définition qu’ils ont de leur vie de couple.

«Nos répondants ont tenu trois types de discours sur le couple, précise Chloé Dauphinais. Il y a le couple comme travail, c’est-à-dire qui demande des efforts et de l’entretien; le couple comme projet ‒ avoir un partenaire pour atteindre des buts; et le couple comme évidence, sans remise en question de l’engagement initial.»

Les témoignages font aussi ressortir que divers motifs d’engagement envers le conjoint qui est devenu malade peuvent cohabiter chez une même personne. Ainsi, une personne peut être engagée parce qu’elle considère important d’aider l’autre, de ne pas l’abandonner, que ce soit au nom de l’histoire qu’ils ont partagée ou encore pour des raisons religieuses (une mission ou la volonté de Dieu).

«Et, bien sûr, le seul fait d’aimer son conjoint constitue une grande source d’engagement! souligne Mme Dauphinais. Par contre, ce n’est pas parce qu’on est resté en couple qu’on n’a pas déjà pensé quitter son conjoint : la conjugalité n’est pas un long fleuve tranquille.»

Outre le rôle des émotions qu’elle veut explorer, l’étudiante-chercheuse souhaite aussi aborder les différences de la représentation du couple selon le genre. Toutefois, il est difficile de recruter des hommes dans ce type d’étude sociologique.

«Le point de vue des hommes peut être très révélateur, indique-t-elle. Deux des trois hommes que nous avons interviewés nous ont confié que s’occuper de leur conjointe a transformé leur identité ‒ comme cet homme dont la conjointe a subi un accident vasculaire cérébral trois mois après leur rencontre et qui est toujours avec elle 20 ans plus tard!»

Chloé Dauphinais aimerait également étudier où se situe la frontière entre le rôle de conjoint et celui d’aidant naturel. «Pour certains, il n’y a pas de séparation entre ces deux identités, ils ne se définissent pas comme aidants. Pour d’autres, c’est le sens du devoir qui prévaut : on n’abandonne pas quelqu’un qui est à terre… même quand les sentiments n’y sont plus nécessairement.»

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