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Doctorat Honoris Causa 2006

Présentation de Monsieur Philip Noel Pettit

Né en Irlande en 1945, Philip Pettit a fait ses études de baccalauréat et de maîtrise en philosophie à la National University of Ireland, pour ensuite aller étudier à Queen’s University (Belfast), où il a obtenu son doctorat en 1970. Après avoir enseigné à Belfast, Dublin et Brandford, il a été nommé, en 1983, Professeur de philosophie sociale et de théorie politique à la Research School of Social Sciences de l'Australian National University (Canberra), poste qu'il a occupé jusqu’en 2002. Depuis cette date, il a été successivement William Nelson Cromwell Professor et Laurance S. Rockefeller University Professor à l’Université Princeton aux États-Unis.

Philip Pettit est un chercheur éminent qui fait entre autres partie du palmarès des 25 grands penseurs du monde actuel tel qu’établi par Le Nouvel Observateur en 2005. L’œuvre du Professeur Pettit est à situer dans le sillage de la tradition analytique, dont il retient pour l’essentiel la méthode d’analyse des concepts et la méthodologie heuristique. Ses recherches l’ont conduit à nier le primat, quasi absolu en sciences sociales, de l’individualisme méthodologique, sans pour autant endosser un holisme aveugle aux différences contingentes existant entre les membres d’une même société. Il ne s’agit pas seulement d’une distinction pertinente sur le plan méthodologique, mais également en ce qui concerne l’ontologie ou la métaphysique sociale. En ce sens, c’est le statut même des normes sociales et des raisons d’agir qui est interrogé dans l’optique d’un vivre ensemble.

La contribution la plus reconnue du Professeur Pettit se situe dans le domaine de la philosophie morale et de la philosophie politique. Pour la philosophie morale, le Professeur Pettit a œuvré à la défense des théories conséquentialistes, selon lesquelles l’action d’un agent moral doit être jugée en fonction de sa contribution au bien commun, ce dernier étant en général défini d’un point de vue impartial. Pour la philosophie politique, le grand œuvre du Professeur Pettit est sans contredit son ouvrage sur la théorie républicaine (Republicanism. A theory of Freedom and Government, Oxford University Press, 1997), traduit en pas moins de dix langues. Dans cet ouvrage, Philip Pettit défend, contre les théories libérales classiques, une conception de la liberté politique comme non-domination. Il montre les raisons pour lesquelles les théories libérales se sont pour l’essentiel estimées satisfaites d'une théorie de la liberté négative entendue comme absence d’interférence. Un homme ou une femme sont libres s’ils peuvent agir sans interférence. Si on accepte un tel point de vue, l’État doit intervenir le moins possible car il est celui qui dispose du plus grand pouvoir d’intervention. Selon Pettit, les libéraux ne peuvent rendre cohérent ce principe et celui d’une justice distributive équitable pour tous. Il propose donc d’amender la théorie libérale en la reformulant à partir de la tradition républicaine, dont il a retracé l’histoire grâce notamment aux travaux de Quentin Skinner. Fort de ce soutien historique, Pettit développe une théorie de la liberté comme non-domination, selon laquelle un homme ou une femme sont libres s’ils peuvent agir sans être dirigés dans leurs choix par une instance en situation de domination par rapport à eux. Si on accepte un tel point de vue, l’État peut intervenir afin d’immuniser les plus faibles devant le pouvoir de domination des plus forts, même si l’État doit-lui-même éviter de devenir un agent dominateur. Cette théorie est ensuite étoffée par un ensemble de considérations sur le « design » institutionnel, notamment sur les mécanismes constitutionnels permettant de prévoir la domination et d’empêcher son influence sur les choix sociaux des citoyens.

Hommage rendu lors de la Collation des grades de premier et deuxième cycles de la Faculté des arts et des sciences
Le 21 juin 2006