Félicitation à Marie-Christine Roy !
Marie-Christine a obtenu une bourse du CRSH pour la suite de ses études au doctorat du SHA. Elle répond à quelques questions pour nous.
Claire Bourély – Pourrais-tu nous parler brièvement de ton projet de recherche financé par cette bourse ?
Marie-Christine Roy – Mon projet de recherche porte sur les problèmes éthiques et environnementaux de l’industrie du vêtement et sur un ensemble de solutions qu’on peut regrouper sous le terme « mode lente » (slow fashion). On sait que le bilan humain de l’industrie du vêtement n’est pas très reluisant : les vêtements qu’on achète ici sont majoritairement produits dans des pays d’Asie, où les conditions de travail sont très souvent mauvaises, sinon carrément dangereuses. L’effondrement du Rana Plaza (une manufacture de vêtements au Bangladesh) en 2013, qui a fait plus de 1100 morts et 2500 blessés, en est probablement la meilleure illustration. Par ailleurs, selon certaines estimations, l’industrie du vêtement est responsable d’environ 10% des émissions mondiales de CO2 et 20% des eaux usées. Devant ces problèmes, le mouvement de la mode lente tente de proposer des solutions durables comme la production locale, la vente de produits seconde-main et des programmes de réparation de vêtements – des solutions somme toute locales pour des problèmes mondiaux. Il n’y a pas de définition officielle de « mode lente », mais on parle d’un ensemble d’initiatives qui valorisent notamment l’artisanat, la production locale, la confiance entre les créateurs et les consommateurs, et le respect des communautés et des limites biophysiques de la Terre. Ma thèse vise donc à étudier si, et comment le cas échéant, la mode lente peut effectivement aider à résoudre les problèmes liés à l’industrie du vêtement, ou si au contraire, elle pourrait involontairement aider à reproduire des pratiques nocives de l’industrie.
Claire Bourély – Quelles sont les principales motivations qui t'ont poussée à poursuivre un doctorat au SHA ?
Marie-Christine Roy – Mon intérêt pour les enjeux de l’industrie du vêtement date d’il y a plusieurs années et je souhaitais en faire une thèse, mais ma formation académique ne m’y amenait pas directement : j’ai un baccalauréat en biochimie et une maîtrise en bioéthique. Par contre, je voyais un potentiel de transposer mes acquis en bioéthique vers l’étude des problèmes éthiques dans l’industrie du vêtement. La bioéthique combine des méthodes empiriques des sciences sociales (comme la sociologie et l’anthropologie) et l’approche analytique de l’éthique, qui est une branche de la philosophie. Elle est donc foncièrement interdisciplinaire. C’est cette approche interdisciplinaire que j’ai voulu transposer dans ma thèse. Le SHA m’a donc semblé être le programme tout indiqué pour faire ma thèse étant donné sa vocation interdisciplinaire.
Claire Bourély – Quelles sont tes attentes quant aux résultats ou aux retombées de ton projet de recherche ?
Marie-Christine Roy – J’aimerais que mon projet de recherche puisse fournir un diagnostic quant à la mode lente comme solution aux problèmes de l’industrie du vêtement. Autrement dit, je souhaite que mon projet puisse indiquer aux acteurs de cette industrie, et à ceux qui gravitent autour (législateurs, organismes à but non lucratif, consommateurs, etc.), quelles solutions sont à poursuivre, quelles sont à laisser tomber, où sont les écueils potentiels, et ce qu’en pensent les personnes concernées.
Claire Bourély – Quelles compétences ou expériences préalables t'ont préparée à entreprendre cette recherche ?
Marie-Christine Roy – Je travaille dans le milieu de la recherche universitaire depuis 8 ans, donc je dirais que cette expérience m’a beaucoup aidée à développer les compétences dont je me sers pour mon doctorat, comme un bon esprit analytique et de synthèse, la capacité à cerner un problème de recherche. J’ai aussi développé des compétences en méthodes qualitatives et en rédaction et présentation scientifique qui sont très utiles pour une thèse et sa diffusion dans les milieux académiques.
Je collabore aussi depuis plus d’un an avec Fashion Takes Action, un organisme à but non lucratif basé à Toronto dont la mission est de promouvoir le développement durable dans l’industrie de la mode, notamment par l’éducation. Ma collaboration avec eux m’aide à me tenir à jour sur enjeux dans l’industrie du vêtement.
Claire Bourély – Envisages-tu de collaborer avec d'autres chercheurs ou institutions dans le cadre de ton projet ?
Marie-Christine Roy – J’aimerais beaucoup! J’ai comme projet de faire un séjour de recherche dans un centre de recherche axé sur la mode durable. Il en existe notamment dans quelques villes européennes. Rien n’est officialisé pour l’instant, donc je ne donnerai pas plus de détails, mais je voudrais profiter de mon doctorat pour établir des liens avec des chercheuses et chercheurs locaux et internationaux pour poursuivre une réflexion interdisciplinaire sur les enjeux éthiques et environnementaux dans l’industrie du vêtement.
Claire Bourély – Quels sont les défis anticipés dans la réalisation de ton projet de recherche et comment comptes-tu les surmonter ?
Marie-Christine Roy – L’interdisciplinarité est un défi en soi. On peut avoir l’impression d’être à peu près bon dans plusieurs domaines, mais expert dans aucun d’entre eux. Il faut arriver à trouver un équilibre entre approfondir un aspect de la thèse et savoir s’arrêter à ce qui est nécessaire pour répondre à la question de recherche. Aussi, comme je l’ai mentionné, mon bagage académique n’est ni en philosophie (quoiqu’il y a de la philosophie en bioéthique), ni en sociologie, les deux principales disciplines dans lesquelles s’ancrent mon projet. Je dois donc mettre les bouchées doubles pour acquérir les notions fondamentales nécessaires à mon projet de recherche.
Claire Bourély – Comment cette bourse de recherche CRSH contribuera-t-elle à ton développement universitaire et professionnel ?
Marie-Christine Roy – La bourse du CRSH est à la fois un soutien financier considérable, une validation de ma position de doctorante en sciences humaines appliquées et de mon projet de recherche, et un atout important pour mon dossier académique. Outre le fait qu’elle me permet de consacrer plus de temps à ma thèse, étant donné le système académique québécois et canadien, elle m’ouvre la porte à l’obtention d’autres bourses, par exemple, et elle sera un atout dans l’éventualité où je veuille poursuivre une carrière académique.
Bonne continuation Marie-Christine!