Passer au contenu

/ Faculté des arts et des sciences

Je donne

Rechercher

Navigation secondaire

La justice est rendue par Isabelle Richer

Lorsque la journaliste Isabelle Richer apprend que Benoit Roberge est un informateur à la solde du crime organisé, elle pousse un cri de stupeur dans la salle de presse de la commission Charbonneau. L'arrestation de l'enquêteur montréalais est un choc pour le milieu judiciaire du Québec.

Mais, quand elle se présente devant les caméras du Téléjournal de Radio-Canada, le soir même, elle commente les faits avec simplicité et éloquence. «En quelques instants, il faut aller à l'essentiel sans être réducteur», indique cette ancienne étudiante de l'Université de Montréal qui a obtenu un baccalauréat en études néo-helléniques en 1986.

Fraude, meurtre, collusion, corruption et autres délits forment son pain quotidien depuis plus de 20 ans. Mettre de côté ses émotions et garder à l'esprit que les téléspectateurs ne saisissent pas tous les enjeux des histoires que les experts suivent jusque dans les moindres détails, ça la connaît. « Isabelle est une journaliste très compétente, capable de comprendre les éléments de notre système de justice avec autant de facilité qu'un criminaliste », mentionne la journaliste Anne-Marie Dussault, qui se dit présidente de son club d'admirateurs. C'est une « communicatrice de premier plan » qui demeure d'une «impartialité absolue».

Bosseuse infatigable, Isabelle Richer possède une riche culture, ce qui en fait une intervenante toujours captivante quand on l'invite sur un plateau de télévision pour éclairer la population sur un fait d'actualité, reprend l'animatrice de 24/60, à la télévision d'État. De plus, elle est une femme agréable à côtoyer en dehors des plateaux de télé. «On se fait des brunchs de filles où l'on ne s'ennuie vraiment pas», résume Mme Dussault.

En entrevue pour Les diplômés sur la terrasse devant la Maison de Radio-Canada, la journaliste arbore ce sourire chaleureux et communicatif qui est devenu sa signature au petit écran. Elle est vive, diserte et franche. Tout en replaçant la couette blonde qui retombe sans cesse sur ses yeux pers, elle donne l'impression de n'avoir rien à cacher. Elle vit à cent à l'heure et n'a nullement l'intention de ralentir. Quand elle s'est mise au karaté, c'était avec l'objectif avoué de nouer à son karatégi la ceinture noire. Affaire classée en 1986. Adepte du vélo de route, elle va au Portugal pour avaler les kilomètres. D'ailleurs, elle se rend régulièrement en Europe pour pédaler, c'est son dada. À la télé, on ne voit pas la couleur de ses ongles d'orteils : bleus. «Comme mon vélo.»

Le grec mène à tout

Peu de gens connaissent le premier amour de leur chroniqueuse judiciaire : la civilisation grecque. «Isabelle Richer a été l'une de mes meilleures étudiantes, très douée pour la langue grecque et excellente traductrice de la poésie», se souvient son ancien professeur, Jacques Bouchard, fondateur il y a 40 ans du Département d'études néohelléniques de l'UdeM. Il rend hommage à son «esprit très vif» et à son « intelligence hors du commun » et rappelle qu'elle est l'une des rares journalistes à avoir couvert les Jeux olympiques d'Athènes, en 2004, dans la langue du pays hôte. «Comme quoi l'étude du grec mène à tout.»

La principale intéressée ne pêche pourtant pas par excès de confiance. «Je suis une angoissée, une éternelle insatisfaite qui, un jour sur deux, voit sa vie comme un échec», confiait-elle à Châtelaine en 2013. «C'est vrai que je doute constamment de moi-même, admet-elle candidement, comme si c'était un fait divers. Ça me pousse à ne jamais rien tenir pour acquis.»

Des regrets ? Quelques-uns. Ne pas avoir terminé sa maîtrise en études françaises, quand le métier de journaliste l'a happée, en 1987, d'abord pour Télévision Quatre-Saisons (aujourd'hui V), puis pour ICI Radio-Canada télé, où elle couvre les affaires judiciaires dès 2000. Elle s'est également inscrite au certificat en droit de la Faculté de l'éducation permanente en 1993, qu'elle n'a pas terminé non plus.

Pour le reste, le métier de journaliste lui va comme un gant. Depuis quatre étés, c'est à elle qu'on demande d'animer l'émission quotidienne de fin d'après-midi à la radio de la Première Chaîne, en remplacement de l'animateur Michel C. Auger. Un travail qu'elle adore. Elle est, en outre, à la barre de l'émission quotidienne sur des questions de justice Sous la loupe, à RDI, depuis le 25 août.

Rien ne la prédisposait à occuper les ondes aux heures de grande écoute – on l'a même vue à Tout le monde en parle, en octobre 2013, en compagnie d'André Cédilot, résumer l'affaire Roberge. Durant une partie de sa jeunesse, Isabelle Richer a rêvé d'être archéologue. Elle n'y a plus repensé lorsqu'elle a découvert la Grèce à la faveur d'un grand voyage en solitaire, sac à dos, à 17 ans. Après avoir acheté un billet d'avion à destination du Vieux Continent, dont la date de retour n'était pas fixée, elle a visité l'Angleterre, l'Écosse, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Yougoslavie pour échouer sur les îles adriatiques. Choc culturel. «La langue, les gens, la culture, l'histoire... tout me plaisait dans ce pays. J'ai voulu apprendre le grec et même déménager en Grèce.»

Ses parents étaient découragés de voir ainsi leur aînée leur échapper (le Dr Clément Richer a fait ses études de médecine à l'Université de Montréal et la famille Richer compte deux autres diplômés). « Ils se demandaient quel avenir pouvait sourire à une bachelière en études grecques, à part le fait de pouvoir commander des souvlakis dans la langue des restaurateurs de l'avenue du Parc », raconte-t-elle en s'esclaffant, sur un ton d'autodérision caractéristique.

Elle est tout de même allée au bout de son rêve et, en 1986, elle annonce à sa famille son départ définitif pour son pays d'adoption. «Je suis revenue six mois plus tard !» relate-t-elle en évoquant une déception amoureuse.

Sans savoir qu'elle serait journaliste, elle imaginait son avenir professionnel lié aux mots. Entrée par la petite porte à la salle des nouvelles de TQS, elle se fait remarquer par sa connaissance poussée de la langue écrite et parlée. Elle signale aux pupitreurs les erreurs de français affichées sur le réseau. Jusqu'à ce qu'on lui donne la responsabilité d'un reportage sur un spectacle des patineurs Ice Capades au Forum de Montréal. D'autres affectations suivront. Rapidement, on apprécie sa fraîcheur, son authenticité et la limpidité de ses propos. Sa carrière est lancée.

Polytechnique et Oka

Deux évènements marqueront ses premières armes dans le monde judiciaire : la tuerie de l'École Polytechnique, en 1989 – elle interviewe sur place plusieurs personnes touchées par la tragédie –, et la crise d'Oka, qu'elle couvrira durant tout l'été 1990. Dès 1992, elle obtient un poste permanent de correspondante au palais de justice de Montréal.

Ce qui lui reste de ses études ? D'excellents souvenirs de la petite famille que les amateurs de grec ancien formaient à l'intérieur de la Faculté des arts et des sciences. Des fêtes mémorables, mais aussi des échanges sur les grands penseurs de l'Antiquité. Aujourd'hui encore, elle se remémore les textes d'Eschyle et de Sophocle lorsqu'elle couvre des drames familiaux. «Devant les drames humains et le côté sombre de l'humanité, on a les mêmes questions qu'au temps des tragédies grecques. Et les réponses des grands philosophes de l'Antiquité nous éclairent toujours.»

Mathieu-Robert Sauvé

Cet article est extrait de la revue "Les diplômés" (n°427)

 

Lire l'article sur UdeMNouvelles

Archives