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Les 50 ans de la revue «Études françaises»

Lauréat du Prix de la revue Études françaises en 1970, Gaston Miron n'avait encore rien publié lorsque Jacques Brault, alors membre du jury, l'a convaincu de réunir ses écrits. Une initiative extraordinaire qui allait donner naissance à L'homme rapaillé.

Au cours d'un entretien paru dans l'édition marquant les 50 ans de la revue publiée par les Presses de l'Université de Montréal (PUM), Jacques Brault revient sur les circonstances entourant la publication de l'œuvre phare de la poésie québécoise, notant au passage que, contrairement à ce qu'ont prétendu certains, Gaston Miron est resté « maître d'œuvre » de son livre jusqu'au bout, « ne se laissant pas imposer quoi que ce soit ».

Avec une toile de Jean-Paul Riopelle en couverture, le numéro anniversaire est ainsi entièrement consacré aux lauréats du Prix. Au sommaire, outre l'entretien avec M. Brault : des poèmes inédits de Michel Beaulieu et de Fernand Ouellet, des lettres de Pierre Vadeboncœur, une « utopie » signée Suzanne Jacob, des extraits de carnets d'André Major, un texte en prose d'Hélène Dorion, une histoire de la littérature franco-ontarienne de Laurent Mailhot et un essai de Georges Leroux sur Glenn Gould – dont il avait fait le sujet d'un livre il y a sept ans. À cela s'ajoutent les rêveries de Louis Hamelin dont l'essai sur la fiction et l'histoire couronne la remise 2014 du Prix.

Depuis les débuts de la revue savante cofondée par Georges-André Vachon en 1965, l'attribution du Prix équivaut à une commande. « Notre singularité se trouve là », a résumé le professeur du Département des littératures de langue française de l'Université de Montréal, Benoît Melançon, à la table ronde marquant le lancement du numéro jubilaire, le 27 août dernier, à la librairie Gallimard. Directeur scientifique des PUM et membre du jury du prix 2014, M. Melançon a également défini la revue comme « un lieu d'animation où la littérature se fait ».

Durant la discussion qui a suivi, les participants ont brossé le tableau d'une institution dont l'histoire se confond avec les ouvrages qu'elle a mis au monde. Directeur de la revue, Francis Gingras a mentionné que la récompense est née d'un don de Joseph-Alexandre Thérien, un imprimeur montréalais. « Contrairement à ce qu'on croit souvent, a-t-il enchaîné, il y a une tradition de philanthropie canadienne-française. »

Membre du comité de rédaction, Élisabeth Nardout-Lafarge, professeure au Département des littératures de langue française de l'UdeM, a rappelé la méfiance de la revue vis-à-vis de tout système théorique de même que son parti pris pour une langue et une littérature exigeantes. Elle a souligné également à quel point l'exclusion de la France est demeurée à l'ordre du jour durant toute l'histoire de la revue, où l'on embrasse tantôt la notion de « francité », tantôt celle de « francophonie » pour maintenir ses distances à l'égard de Paris.

Depuis 2003, tous les lauréats sont québécois. De manière significative, la distinction ne constitue plus un moyen de s'affirmer à l'écart du pays où Rimbaud est né. Selon Benoît Melançon, la formule reste simple et se résume à ceci : « Comment obtenir le livre que nous souhaitons lire? » Dans le cas de Louis Hamelin, le jury voulait en apprendre davantage sur le rapport avec l'histoire entretenu par l'auteur dans son roman La constellation du lynx, paru chez Boréal en 2011.

Avec le souci du détail qu'on lui connaît, Louis Hamelin s'est penché sur les huit années d'enquête fébrile qui l'ont amené à réinventer la crise d'Octobre. Réflexion sur la valeur heuristique du roman face à l'histoire, Fabrications décrit le parcours d'un écrivain confronté à une jungle d'interprétations hasardeuses, de faits plus ou moins avérés, de réalités plus ou moins nébuleuses. « Il y a au moins deux livres dans Fabrications, a commenté l'homme de lettres pendant la table ronde à la librairie Gallimard, une réflexion sur le roman et un essai politique sur la provocation policière. »

Traitant aussi bien de la crise d'Octobre que de l'histoire des Brigades rouges ou de l'assassinat de John F. Kennedy, Fabrications aborde l'histoire comme un mystère. Exercice fascinant durant lequel Louis Hamelin a convoqué des témoins sérieux mais aussi des acteurs réels ou fictifs dont il trace un portrait plus fantaisiste comme le journaliste Réjean Tremblay, dont il fait un personnage de fiction, ou Jack Bauer, héros de la série 24 heures chrono. « Au Québec on a une conception de l'essai un peu académique, a suggéré le lauréat. Moi, j'ai voulu m'amuser. »

Hélène de Billy
Collaboration spéciale

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