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2025-09-16

IA générative à maturité, université en transition

Partout sur la planète, l’innovation fulgurante en IA transforme l’enseignement supérieur. Comment pouvons-nous, en tant que communauté universitaire, tirer profit de cette technologie tout en négociant les défis éthiques et pédagogiques qu’elle pose ? Voilà la question directrice qui guidera mon mandat.

L’été 2025 fut agité, comme toujours, dans le monde des services d’IA générative (IAg). Le déploiement de la nouvelle version de ChatGPT (OpenAI), le 7 août, a notamment attisé les passions (positives comme négatives). J’aimerais aborder brièvement et pragmatiquement ces changements, avant de retourner ensuite à l’objet principal de mon mandat.

Continuité sans rupture

Pour commencer, je partage quelques constats généraux sur l’évolution de la technologie des services d’IAg, inspirés de mes propres observations et des métriques d’évaluation dont nous disposons [1]. Ces constats s’appliquent à ChatGPT 5 ainsi qu’aux dernières versions des services d’IAg les plus utilisés au Québec, notamment Claude 4 (Anthropic) et Gemini 2.5 (Google) :

  • Les systèmes continuent de progresser en capacités (multimodalité, traitement et génération de contenus), mais rencontrent toujours les mêmes limitations, notamment les confabulations, qui sont constitutives des grands modèles linguistiques (LLM) ;
  • Le changement le plus important, comme je le mentionnais dans mes derniers billets, concerne les fonctions agentiques (planification, décision, recherche et manipulation d’outils) : elles sont devenues plus étendues et plus fiables. Cela augmente considérablement les types d’assistance qu’il est possible d’obtenir de ces systèmes (suivant toutefois le principe de l’abonnement payant gradué), mais les échecs d’exécution trop fréquents (associés aux permissions en ligne, à la compatibilité logicielle, etc.) créent des insatisfactions ;
  • L’expérience utilisateur (UX) des plateformes fut également simplifiée, au bénéfice des néophytes et utilisateurs occasionnels. Mais les utilisateurs professionnels et experts soulèvent une perte de contrôle sur le pilotage humain des systèmes – une perte associée, notamment, au routeur interne qui sélectionne les modèles d’IA mobilisés pour répondre aux requêtes humaines, mais qui applique aussi des fonctions de minimisation en coûts de calcul.

Entre les discours hyperboliques de l’industrie (qui a gonflé les attentes pour attirer les capitaux) et de leurs détracteurs (qui parlent parfois des produits d’IA comme d’une vaste supercherie), le consensus émergeant chez les experts, et qui me semble plus raisonnable, est que la technologie basée sur les LLM entre dans sa phase de maturité.

Donc : nette progression de la technologie en 2025, mais on ne peut certainement pas parler de changement de paradigme.

C’est un fait que les modèles d’IA dominants (GPT-5, Gemini 2.5, Claude 4) sont plus fiables et se sont beaucoup améliorés dans les tâches complexes de raisonnement et de planification. Mais cette amélioration reste basée sur des algorithmes et architectures connus et limités (transformateurs optimisés, mélange d’experts, apprentissage par renforcement massif et nouveaux outils intégrés). Cette recette gagnante permettra probablement un progrès continu, mais il sera linéaire.

On doit cependant garder en tête que l’intelligence artificielle est la technologie la plus financée de l’histoire récente. Avec les moyens pharaoniques dont disposent les géants technologiques (en particulier américains et chinois), la compétition et l’innovation dans le domaine vont continuer. Plusieurs nouvelles avenues dans les laboratoires industriels et universitaires, devenus inextricables, pourraient occasionner une rupture comparable à celle apportée par les LLM – mais cela dépasse notre propos ici.

Continuité en enseignement supérieur

Si les services d’IAg entrent dans une phase de maturité technologique, notre défi à l’université sera de continuer à réfléchir et agir pour rendre nos pratiques plus matures. Mon expérience des dernières sessions, dans les cégeps et à l’Université de Montréal, confirme ce que les études disponibles ont documenté : le personnel apprivoise et intègre lentement l’IAg dans l’enseignement et la recherche, et cela dans toutes les disciplines.

La prudence est toujours de mise, puisque l’IAg transforme très rapidement les environnements professionnels, dont ceux des universités. Si les avis sont partagés, voire polarisés, les enjeux deviennent toutefois plus intelligibles et tangibles. Par exemple, les risques de délestage cognitif et d’atteintes à l’intégrité académique, dans les travaux scolaires comme en recherche, demeureront des défis majeurs à surmonter dans notre milieu. Mais les potentiels de soutien dans l’apprentissage et dans la recherche demeureront aussi des opportunités à saisir et à développer.

Le décalage entre les pratiques étudiantes et enseignantes demeure également un défi d’adaptation de l’enseignement à l’IAg qu’on ne peut plus ignorer. Une étude du Pôle interordres de Montréal (PIM) offre un premier bilan dans les cégeps et universités de la région de Montréal. L’enquête fut menée du 31 mars au 1er mai 2025, dans huit cégeps et trois universités montréalais auprès de 3 714 étudiant.e.s et 782 enseignant.e.s. Parmi les nombreuses données recueillies, on y apprend que 54 % des enseignant.e.s universitaires utilisent l’IAg contre 73 % des étudiant.e.s [2].

En tenant compte de cet écart important (19 %) entre les communautés enseignante et étudiante, je vous invite à poursuivre votre réflexion pour développer des approches innovantes et responsables pouvant répondre à nos besoins en tant que communauté de recherche et d’enseignement. Et je m’engage à y contribuer en m’alignant toujours sur nos valeurs d’intégrité éthique et scientifique, de pensée critique, de collégialité et d’autonomie professionnelle.

À ce titre, le comité d’experts Intelligence éclairé de la FAS a convenu qu’il était opportun pour moi de donner des formations plus avancées et pratiques, afin d’encapaciter le personnel enseignant souhaitant maîtriser les services d’IAg les plus utilisés dans le contexte universitaire. J’ai choisi NotebookLM (Google) et ChatGPT Plus (OpenAI) non seulement parce que ces plateformes sont populaires et conviviales, mais aussi parce qu’elles offrent d’excellentes possibilités transversales aux personnes souhaitant explorer l’intégration de l’IA dans le travail universitaire (principalement pour les tâches d’enseignement, de recherche et d’administration).

Je tiens à terminer ce premier billet de la session d’automne 2025 en remerciant chaleureusement la FAS et son doyen, Frédéric Bouchard, pour leur confiance envers moi. Et j’étends ces remerciements aux dizaines de collègues avec qui j’ai eu des échanges constructifs et inspirants au cours des deux dernières sessions. Votre accueil chaleureux, votre ouverture d’esprit et votre savoir m’inspirent.


Références

[1] Pour rappel : les technologies d’IAg, comme la plupart des technologies numériques, ne sont pas soumis à des mécanismes d’évaluation et de certification indépendants basés sur des normes scientifiques et industrielles. Elles sont tout simplement déployées pour être ensuite évaluées par le marché des utilisateurs (et éventuellement par des chercheurs experts). Pour se faire une idée de la performance comparée des systèmes de l’industrie, on peut consulter Chatbot Arena (LMArena, un classement basé sur l’évaluation personnelle de milliers d’utilisateurs). Pour une évaluation basée sur des comparaisons plus scientifiques, on peut consulter HELM (Stanford CRFM).

[2] Sabourin-Laflamme, A., & Bruneault, F. (2025, juillet). Résultats d’un sondage sur l’utilisation de l’IA générative : cégeps et universités de la région de Montréal (Rapport). Pôle interordres de Montréal (PIM), avec le soutien de l’OBVIA ; les auteurs sont affiliés au LEN.IA.

Note : Les propos de Dave Anctil vous sont offerts à titre personnel, pour susciter la réflexion. Certains outils mentionnés ne font pas l’objet d’un soutien par les TI de l’Université de Montréal.