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Intimidation : les jeunes victimes deviennent +Fort avec l’application mobile

Basée sur les travaux de recherche de la professeure Isabelle Ouellet-Morin, l’application mobile +Fort a été spécialement conçue pour les victimes d’actes d’intimidation âgées de 12 à 16 ans (Photo: Amélie Philibert).

Les jeunes qui vivent de l’intimidation préfèrent souvent le silence ou l’abnégation plutôt que de se poser en victimes. Or, sans aide et sans ressources, ils mettent en péril leur santé mentale future. «Nos résultats de recherche montrent que les expériences de victimisation sont à l’origine de modifications de la structure entourant un gène associé à la sérotonine, un neurotransmetteur en jeu dans la régulation de l’humeur et la dépression. D’où l’importance d’intervenir dans les écoles et d’offrir un soutien aux victimes», a affirmé Isabelle Ouellet-Morin à l’occasion du lancement de l’application mobile +Fort.

C’est pour soutenir les jeunes qui souffrent d’intimidation, réduire leurs mauvaises expériences et prévenir les conséquences à long terme de tels gestes que la professeure de l’École de criminologie de l’Université de Montréal et chercheuse associée à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal a imaginé l’application mobile +Fort, spécialement conçue pour les victimes d’actes d’intimidation âgées de 12 à 16 ans.

«On entend beaucoup parler de cette problématique. Avec le projet de loi 56, les écoles ont pour obligation d’instaurer un plan d’action contre l’intimidation. Toutefois, les services d’aide aux victimes sont parfois limités et varient d’un établissement à l’autre en fonction des professionnels en poste. C’est pour offrir une aide complémentaire que l’application mobile a été créée», signale Isabelle Ouellet-Morin, qui a mis au point cette plateforme à la suite de ses travaux sur le sujet. «Les résultats de mes recherches sur la réponse physiologique au stress chez les jumeaux identiques ayant été exposés ou non à des situations d’intimidation m’ont amenée à m’interroger sur les services offerts aux jeunes. Surprise : il y a peu d’outils disponibles en français validés scientifiquement qui s’adressent directement à eux. La majorité présentent un contenu écrit sur ce qu’est l’intimidation, mais ils ne proposent pas ou ne proposent que très peu de stratégies à mettre en action. Pour les enfants du numérique, le téléphone est le principal outil pour accéder à Internet. Cela me semblait une occasion à saisir.»

Grâce à la subvention du Fonds communautaire Bell Cause pour la cause accordée à la Fondation de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, l’équipe de Mme Ouellet-Morin a pu concevoir une plateforme personnalisée et visuellement attrayante pour aider les jeunes. «Trois objectifs sont visés, explique la chercheuse. On veut d’abord les informer à propos de l’intimidation de manière dynamique. On souhaite aussi les aider à comprendre leurs propres expériences de victimisation par le biais d’évaluations régulières et de graphiques faciles à interpréter et à partager. Finalement, on veut les soutenir dans la mise en œuvre de stratégies pour diminuer ces expériences.»

L’application mobile présente l’information de façon ludique. Une dizaine de vidéos proposent de l’information sur l’intimidation transmise par des personnalités jeunesse connues au Québec. Une carte virtuelle permet également de savoir où les actes d’intimidation surviennent et où trouver de l’aide : est-ce à l’école ou sur les médias sociaux? Les deux? Les jeunes peuvent inscrire par un simple pin où ils subissent de l’intimidation. Ils sont ensuite invités à essayer des stratégies pour les éviter ou du moins les restreindre. Par exemple, si les expériences d’intimidation ont lieu après les classes sur le chemin du retour à la maison, ils peuvent choisir d’emprunter un autre trajet ou encore demander à se faire accompagner. «Plusieurs stratégies sont proposées pour diverses situations, note Isabelle Ouellet-Morin, mais les jeunes peuvent les adapter selon le problème qu’ils vivent. Ils peuvent aussi en élaborer d’autres qui leur conviennent davantage. On les convie par la suite à évaluer les stratégies qu’ils ont essayées afin qu’ils trouvent celles qui fonctionnent le mieux pour eux.»

Victimisation = modification de l’ADN

Au cours de ses études postdoctorales en psychologie au King’s College de Londres, Mme Ouellet-Morin a étudié comment 30 paires de jumeaux identiques dont un seul avait vécu des épisodes d’intimidation dans son enfance réagissaient en situation stressante. Ses résultats, dont Forum a fait écho (voir le numéro du 29 octobre 2012), ont démontré que les préadolescents qui avaient subi de l’intimidation sécrétaient moins de cortisol (l’hormone du stress), mais avaient davantage de problèmes d’interactions sociales et de comportements agressifs.

Dans d’autres travaux menés au Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, la chercheuse a voulu mieux comprendre les mécanismes qui expliquent comment les expériences difficiles dérèglent notre réponse au stress. Elle a découvert que la baisse de cortisol est précédée deux ans plus tôt d’une modification de la structure entourant le gène SERT, lequel est associé à la régulation de la sérotonine et à la dépression. «Les expériences de victimisation sont une réelle menace à la santé mentale future des jeunes, estime Isabelle Ouellet-Morin. Il est crucial d’offrir un soutien aux victimes.»

Briser le silence

Dans le cadre d’une étude pilote, l’équipe de Mme Ouellet-Morin a présenté +Fort à une cinquantaine de jeunes âgés de 12 à 16 ans afin de savoir si cet outil permettait d’atteindre les objectifs fixés. Les forces, les limites ainsi que l’utilité perçue de +Fort ont ainsi été déterminées à partir des impressions et des expériences des victimes. Les résultats préliminaires montrent une diminution de la moitié des expériences d’intimidation après quatre semaines d’utilisation. Les jeunes se disent soulagés de pouvoir partager leurs expériences sans se faire juger. Ils rapportent se sentir plus confiants quant à leurs habiletés à mettre fin à l’intimidation vécue. Ils affirment qu’utiliser +Fort les a aidés à briser le silence avec une personne de confiance (la plupart du temps un adulte), ce qu’ils refusaient de faire avant.

«Avant +Fort, j’étais découragé. Je le suis encore en rentrant chez moi, mais avec les stratégies de+Fort, ça va m’aider à reprendre espoir», déclare un garçon de 14 ans. «Avec les graphiques, j’ai vu que j’avais besoin d’aide. Parce que ce que tu vis tu ne veux pas l’admettre, mais là je vois que c’est pas juste pour rire», dit une élève de 15 ans.

On peut télécharger l’application +Fort à partir de la plateforme App Store. L’application mobile est gratuite et disponible pour les appareils iPhone, iPod Touch et iPad. Les versions Android et anglaise seront lancées au printemps 2017. «On veut accommoder les utilisateurs multiples pour faciliter son utilisation dans les contextes scolaire et familial», mentionne Isabelle Ouellet-Morin, qui encourage aussi les parents et les intervenants à visiter le site Internet, à se procurer le guide d’information publié à leur intention et à télécharger eux-mêmes l’application. «Le soutien de la famille et des amis de même que le maintien de la communication et le respect du désir d’indépendance selon l’âge et le contexte favorisent la résilience, indique la chercheuse. Mais la situation d’intimidation doit quand même cesser.»

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