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Doctorats honoris causa 2012

Marie-Claire Blais - Écrivaine

Marie-Claire Blais

Texte hommage prononcé par Francis Gingras, secrétaire de la Faculté des arts et des sciences, lors de la cérémonie du 23 novembre 2012

Née à Québec en 1939, Marie-Claire Blais, publie son premier roman à l’âge de vingt ans. Dès sa parution, en 1959, La Belle Bête vaut à son auteure le Prix de la langue française, premier d’une liste impressionnante d’honneurs et de distinctions qui lui seront décernés tout au long de sa carrière littéraire. Romancière — elle a publié à ce jour plus d’une vingtaine de romans —, elle est aussi l’auteure de plus d’une dizaine de pièces de théâtre, de recueils de poésie et de carnets. L’œuvre qui s’étend sur un demi-siècle, traverse la littérature québécoise contemporaine dont Marie-Claire Blais est l’une des voix les plus singulières et les plus reconnues.

Après les romans de la jeunesse intense et tragique, avec notamment La Belle Bête (1959), Tête blanche (1960), Le Jour est noir (1962), une nouvelle période s’ouvre avec la parution, en 1965, d’Une saison dans la vie d’Emmanuel, Prix Médicis 1966, amplement commenté et étudié, tant au Québec qu’en France, traduit en treize langues et porté à l’écran — sans conteste l’un des classiques de la littérature québécoise. Aux formes et aux thèmes déjà présents dans les premiers textes, s’ajoute alors une dimension ironique et parodique qui éclaire plus crûment encore des destins brisés, comme dans le Cycle des Manuscrits de Pauline Archange (1968, 1969 et 1971), tandis que des romans comme Un Joualonais, sa Joualonie (1973) ou Une liaison parisienne (1975) adoptent un ton plus satirique. Dès Les Nuits de l’underground (1978), et surtout dans Le Sourd dans la ville (1979), auquel succèdent Visions d’Anna (1982), Pierre (la guerre du printemps 81) (1981) et L’Ange de la solitude (1989), se met en place, plus explicitement, une dimension sociale qui relaie et amplifie le mal de vivre des personnages. Le monde contemporain s’y donne à voir au bord du cataclysme : dans la pauvreté, l’exclusion et la violence évoluent des laissés-pour-compte, en rupture de ban, à la fois fragiles et lumineux.

Le cycle romanesque inauguré par Soifs en 1995, formé par Dans la foudre et la lumière (2001), Augustino et le chœur de la destruction (2005), auxquels s’ajoutent les plus récents Naissance de Rebecca à l’ère des tourments (2008), Mai au bal des prédateurs (2010) et Le Jeune Homme sans avenir (2012) n’a pas d’équivalent dans la littérature contemporaine. Outre le travail formel du récit, Marie-Claire Blais construit, depuis Soifs, un univers très singulier, exprimant en français une expérience américaine complexe et s’ouvrant, à travers les États-Unis actuels, à une conscience universelle, à la fois douloureuse et porteuse d’espoir, de générosité, de compassion.
Boursière de la fondation Guggenheim pour des séjours d’écriture aux États-Unis en 1963 et 1964, la romancière, qui vit en partie aux États-Unis depuis 1975, a raconté, dans ses carnets, Parcours d’un écrivain. Notes américaines (1992), Des rencontres humaines (2002) et le récent Passages américains(2012), comment la découverte de ce pays au moment de la lutte pour les Droits civiques, ainsi que ses rencontres avec des intellectuels et des artistes américains auront été décisives pour façonner sa conscience politique et éthique. De tels enjeux sont au cœur de ses derniers romans, qui se répondent et forment une sorte de rhapsodie américaine, à la fois inquiétante et inspirante.

Il n’est pas étonnant que ses romans aient reçu les prix les plus prestigieux des années 1960 jusqu’à aujourd’hui, tant au Québec qu’à l’étranger : Prix France-Québec et Prix Médicis (1966) pour Une saison dans la vie d’Emmanuel; Prix du Gouverneur Général du Canada pour Les Manuscrits de Pauline Archange (1969), Le Sourd dans la ville (1979), Soifs (1996) et La Naissance de Rebecca à l’ère des tourments (2008); Prix de l’Académie française (1983) pour Visions d’Anna. L’ensemble de son œuvre a été couronné à cinq reprises, par le Prix Belgique-Canada (1976), le Prix Athanase-David (1982), le Prix Wessim Habif (1990), le Prix W. O. Mitchell (2000) et enfin, le Prix Gilles-Corbeil (2005). Parmi ses nombreux honneurs et distinctions, elle a reçu l’Ordre du Canada (1975) et l’Ordre national du Québec (1995), a été élue membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (1993) — ce qui a fait d’elle la première québécoise à siéger dans une académie littéraire européenne —, élue aussi à l’Académie des lettres du Québec (1994), puis faite Chevalier des Arts et des Lettres (1999) et Chevalier de l’Ordre National du Mérite (2008) en France. Encore la semaine dernière, Marie-Claire Blais a remporté le Grand Prix du livre de Montréal pour son roman Le jeune homme sans avenir, sixième tome de sa suite romanesque inaugurée par Soifs.

En lui conférant un Doctorat honoris causa, l’Université de Montréal tient à souligner l’envergure de l’œuvre littéraire de Marie-Claire Blais, sa qualité et sa pérennité ainsi que la reconnaissance dont elle jouit sur la scène nationale et internationale. C’est avec fierté que le Département des littératures de langue française et la Faculté des arts et des sciences s’associent à cette haute distinction.