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Doctorat Honoris Causa 2008

Présentation de Tahar Ben Jelloun

Française par sa langue, arabe et marocaine par ses racines, traduite en plus de 40 langues, l’œuvre littéraire de Tahar Ben Jelloun rejoint et ravit, au sens le plus fort de ce terme, des lecteurs de tous les continents. Depuis la parution de son premier recueil de poèmes, Hommes sous un linceul de silence, paru en 1970 aux éditions marocaines Atalantes, jusqu’à son roman le plus récent, Sur ma mère, paru chez Gallimard en 2008, l’écrivain a signé, pour notre plus grand bonheur, quelque 35 romans, récits, essais, recueils de poèmes, pièces de théâtres et recueils de nouvelles.

Exigeante et protéiforme, l’écriture de Ben Jelloun tisse les fils d’un récit à la fois réaliste et poétique où s’enchevêtrent la présence charnelle du quotidien — poids et parfums des corps, empreintes sensorielles du pays — et celle du mythe, qui permet de dire la condition humaine dans toute sa violence et toute sa beauté. Elle met en scène la parole conteuse et entraîne le lecteur dans la fascination du mensonge fécond, puisant dans l’expérience autobiographique pour nourrir une réflexion universelle sur l’errance et le déracinement, sur l’identité commune et singulière, sur l’oppression de toutes les minorités.

Tahar Ben Jelloun naît et grandit au Maroc. Ses études de philosophie sont interrompues, en 1966, par son arrestation, liée aux manifestations étudiantes de l’année précédente. Il passe un an et demi dans un camp disciplinaire où il découvre avec fascination Ulysse de James Joyce. Cette œuvre lui inspire un poème qui paraît dans la revue Souffles, dirigée par l’écrivain Abdellatif Laâbi et engagée dans le renouvellement culturel maghrébin. Libéré, Ben Jelloun termine ses études et enseigne brièvement la philosophie au lycée. Il s’exile en France en 1971 afin de poursuivre ses études et, surtout, d’échapper à la répression qui sévit. En 1975, il soutient, à l’Université de Paris – Jussieu, une thèse en psychiatrie sociale sur les problèmes affectifs et sexuels des travailleurs nord-africains en France. Plusieurs maisons d’édition refusent de publier la version remaniée que leur propose Ben Jelloun, mais le Seuil l’édite, sous le titre de La plus haute des solitudes, en faisant promettre au jeune auteur de lui réserver ses prochains romans. L’ouvrage connaît un succès inattendu. Ben Jelloun pratique la thérapie pendant un certain temps, mais il ne suivra plus, bientôt, que les chemins à réinventer de la littérature.

Dès la parution de son premier roman, Harrouda (1973), édité par Maurice Nadeau chez Denoël, Tahar Ben Jelloun voit son talent reconnu par les milieux littéraires français — Barthes, Beckett — et son second recueil de poésie, Les amandiers sont morts de leurs blessures (1976), lui mérite le Prix de l’Amitié franco-arabe. Il accède à une notoriété véritablement internationale au milieu des années 1980, grâce à L’Enfant de sable (1985), son premier roman traduit en anglais, et à La Nuit sacrée(1987), roman pour lequel il reçoit le Prix Goncourt.

Journaliste au Monde depuis ses débuts littéraires français, Tahar Ben Jelloun collabore aussi avec des journaux étrangers en Italie, en Espagne et, occasionnellement, en Suède. Homme et écrivain engagé, il s’exprime avec force sur plusieurs grandes questions contemporaines dans ses livres et ses articles, dans ses chroniques diffusées sur le Web ainsi qu’en entrevue. Ses essais Le Racisme expliqué à ma fille (1997) et L’Islam expliqué aux enfants (2002) ont connu un succès international et lui ont permis de rejoindre de nouveaux lectorats.

Citoyen du Maroc et de la France, Tahar Ben Jelloun vit à Paris et séjourne fréquemment dans son pays d’origine. Parmi les distinctions qu’il a reçues tout au long de sa carrière figurent entre autres, outre les deux prix déjà mentionnés, le Prix de l’Association des bibliothécaires de France et de Radio Monte-Carlo (1978) pour Moha le Fou, Moha le Sage, le Prix des Hémisphères (1991) pour Les Yeux baissés, le Prix Impac (2004) pour la traduction anglaise de Cette aveuglante absence de lumière ainsi que le Prix spécial Dialogue du festival culturel Lazio entre l’Europe et la Méditerranée (2006) pour l’ensemble de son œuvre. Tahar Ben Jelloun a été élevé au rang de Chevalier des arts et des lettres en 1983 et de Chevalier de la Légion d’honneur en 1988. En 2007, il a reçu le Prix de la Paix de l’Association des Nations unies en Espagne. On lui a remis, en 2008, les insignes d’Officier de l’Ordre national de la Légion d’honneur. En mai 2008, il a été élu membre de l’Académie Goncourt, qui décerne annuellement le prix le plus prestigieux de la littérature française.

L’œuvre de Tahar Ben Jelloun a été adaptée pour le théâtre et le cinéma; elle est enseignée à l’université et elle a fait l’objet de nombreux ouvrages critiques. Elle a paru principalement aux éditions du Seuil mais également chez Denoël, Maspero, Actes Sud, Arléa et Fayard. Depuis 2005, elle paraît chez Gallimard.

Claudine Jomphe