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Lyne Morissette

Baccalauréat en sciences biologiques (1998) 

Une océanographe résolument optimiste

À l’éco-anxiété qui se répand comme une trainée de poudre dans toute la société, Lyne Morissette répond par un optimisme scientifique à toute épreuve. Une nouvelle méthodologie, nous dit-elle : il ne s’agit pas de cacher les mauvaises nouvelles, mais d’insister sur les histoires inspirantes… comme l’est du reste la sienne.

« C’est facile d’être passionnée par les cétacés, lance-telle en guise d’introduction. Il n’y a qu’à voir à Montréal comme les gens sont interpelés lorsqu’une baleine remonte jusque-là! J’ai toujours été attirée par la mer, et le seul scientifique que j’avais dans ma famille était mon oncle Jean-Claude Dionne, océanographe en géomorphologie. J’ai passé mes étés dans le Bas-Saint-Laurent, et auprès de lui, je trouvais ça tellement l’fun les sciences. Lui, il s’occupait des roches, moi, je me suis tournée vers le vivant. »

C’est donc finalement assez naturellement qu’en 1998, Lyne Morissette obtient son Baccalauréat en sciences biologiques (orientation Écologie et environnement) à l’Université de Montréal. Elle se joint ensuite à l’équipe de chercheurs du ministère de Pêches et Océans Canada (MPO) qui étudie les mammifères marins à l’Institut Maurice-Lamontagne (IML). Son projet, qui lui vaut une maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) porte alors sur l’effet de la prédation des phoques d’un point de vue écosystémique.

« C’est vraiment ce qui m’intéresse, l’écosystème, insiste-t-elle. Analyser la place d’une espèce dans son milieu. L’influence qu’elle a sur tout ce qui l’entoure et l’influence que tout ce qui l’entoure a sur elle. Et quand cette espèce est menacée de disparaître, c’est encore plus pertinent, car c’est tout l’écosystème qui s’en verrait bouleversé. »

Échelle globale

Sa maîtrise en poche, Lyne Morissette intègre le Fisheries Centre de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et y obtient son doctorat en zoologie. Ses recherches portent sur l’écologie des mammifères marins, leurs interactions avec les pêcheries, ainsi que sur la résilience des écosystèmes. C’est à ce moment-là qu’elle commence réellement à s’intéresser au sort des baleines.

« Ce sont des animaux en voie de disparition, pour des raisons principalement d’impacts humains, explique-t-elle. Elles sont dérangées par le bruit, se font frapper par les navires de transport maritime et s’empêtrent dans le matériel de pêche. C’est triste, mais en même temps, comme ces facteurs sont humains, nous avons des solutions entre les mains. Alors oui, nous travaillons dans l’urgence, mais il n’est jamais trop tard, pour peu que nous acceptions de collaborer avec des gens de tous les horizons. »

À la tête de M-Expertise Marine, une entreprise d’expertise-conseil en biologie marine qu’elle a fondée en 2013, elle offre des services de médiation environnementale.

« En tant qu’humain, nous avons trop longtemps cru que nous nous situions tout en haut de la pyramide, analyse-t-elle. Or, il faut avoir l’humilité de considérer que nous faisons partie d’un système et que nos actions ont un impact sur toutes les espèces, nous y compris. On n’a qu’à penser à tout le plastique qui se retrouve dans nos assiettes, parce qu’on le jette dans l’océan! »

Mutualiser les savoirs

Depuis quatre ans, Lyne Morissette travaille sur un projet de préservation de la baleine noire dans le Golfe du Saint-Laurent. Pour cela, elle est parvenue à faire s’asseoir à la même table des universitaires, des ingénieurs, des pêcheurs, des membres des Premières Nations et des représentants des gouvernements.

« Il n’y a pas un pêcheur qui se lève un matin et qui se dit, tiens, si j’allais tuer de la baleine!, lance-t-elle. Ils ont la même passion que moi pour la mer dans toute sa globalité. L’idée est donc de trouver des solutions en mutualisant les savoirs de chacun. »

Grâce à cette médiation, des ingénieurs ont pu mettre au point des nouveaux engins de pêche au crabe des neiges sans cordage.

« La première année, nous avons travaillé avec quatre pêcheurs, les plus convaincus, raconte-t-elle. Jusque-là, la loi imposait de fermer une zone de pêche lorsqu’une baleine y était observée. Or, si les baleines y vont, c’est justement que c’est une bonne zone. Aujourd’hui, les pêcheurs qui pêchent avec des technologies sans cordage peuvent y déployer leurs casiers. C’est un avantage certain. Alors, petit à petit, un grand nombre de pêcheurs en sont venus à adopter le nouveau casier. Cette année, c’est plus de 1000 casiers qui opèrent avec cette technologie dans le golfe. »

Une victoire qui renforce son optimisme et sa certitude que nous n’avons pas le luxe de nous passer de quelque expertise que ce soit. Et en premier lieu, celle des femmes et des jeunes filles, encore trop peu nombreuses à oser la carrière scientifique. Elle donne régulièrement des conférences dans les écoles pour montrer toute la beauté de son métier, dans l’espoir d’allumer des étoiles dans leurs yeux.

« Parce que certes, je crois qu’il y a encore de quoi être optimiste, mais je suis également certaine que la planète ne peut se passer de la moitié de ses savoirs », conclut-elle.